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Un gecko rupicole rare : le Gecko Plat de Loveridge, Afroedura loveridgei

Une «première» pour Gecko Time: nous publions simultanément un article fascinant par Hervé Saint- Dizier sur le genre Afroedura en français , ainsi que la traduction anglaise de cet article par Aliza Arzt.

 

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Fig. 1 (photo www.jonboone.com) specimen typique en milieu naturel

Taxonomie :                                 Statut de protection : CITES : non                                    Classe : Reptilia                             Classement IUCN (espèces en danger) : non évalué
Ordre: Squamata                           Nom binomial anglais : Loveridge’s rock gecko
Sous-ordre: Sauria                        Holotype : UM 4030 (University of Michigan)
Famille : Gekkonidae                   Terra Typica : Mozambique, 8 km à l’Ouest de Tete
Sous-famille : Geckonidae           Espèce endémique, territoire très restreint évalué
à moins de 100 miles² (< 250 km²)
Genre : Afroedura
Synonymes : Afroedura transvaalica loveridgei BROADLEY 1963: 286
Afroedura loveridgei — BAUER, GOOD & BRANCH 1997: 453
Afroedura loveridgei — BRANCH 1998     Afroedura loveridgei — RÖSSLER 2000: 57
Espèce nommée en l’honneur du biologiste et naturaliste Britannique Arthur Loveridge (1891-1980).

Le genre Afroedura comprend quinze taxons (espèces et ssp.) valides à ce jour dont onze espèces (source : Zootaxa), mais étant donné la difficulté d’accès de certains sites et le manque de séquençage ADN de nombreux spécimens, il y a fort à parier que le nombre d’espèces augmentera dans les années à venir (Jon Boone, comm. pers.). Les caractéristiques communes du genre sont : un corps particulièrement aplati, adapté à la dissimulation dans les failles et crevasses rocheuses les plus étroites. Les mœurs sont principalement nocturnes, la taille moyenne des membres du genre varie entre 45 et 80 mm de longueur museau-cloaque (SVL ; Alexander & Marais, 2007). La queue sert de réserve de graisse et présente une série de bourrelets perpendiculaires à son axe. Le genre est strictement endémique de l’Afrique australe (certaines zones de la République d’Afrique du Sud, d’Angola, du Mozambique, de Namibie…) et chaque espèce est isolée géographiquement l’une de l’autre, occupant un territoire très restreint, ce qui suggère la probabilité d’un ancêtre commun ayant une aire d’extension moins discontinue. Ces geckos sont strictement inféodés à des biotopes rocheux, d’où le terme « rupicole » (= vivant sur des surfaces rocailleuses). Ces espèces sont toutes potentiellement en danger, vu leur aire très réduite d’extension et leur milieu de vie très spécifique, l’IUCN qui dresse la liste des espèces à protéger manque de données sur la plupart des espèces du genre. Toutefois, chaque espèce peut se trouver en concentrations très importantes sur des micro-sites adaptés à l’intérieur de leur aire de répartition. L’occupation communautaire de sites rocheux est attestée pour plusieurs espèces (Rössler 1995). Chaque espèce vit sur un substrat rocheux spécifique (schistes, calcaires, granulites…) et semble se tenir à l’écart des habitats humains (Alexander & Marais, 2007).

Description 

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Figure 2 : couple d’adultes montrant à gauche le mâle avec queue régénérée, à droite une des femelles avec queue intacte, et les variations de coloration possibles.

Afroedura loveridgei est une espèce de taille moyenne au sein du genre : 125 mm environ de longueur totale, dont 40% pour la queue, qui présente l’aspect boudiné décrit plus haut avec de 21 à 25 segments resserrés à leur base. Cette dernière peut se détacher par autotomie, cependant moins facilement que chez d’autres geckos (obs. pers.). Le corps est très aplati dorso-ventralement (épaisseur : ≤8 mm), robuste et large, en particulier au niveau de l’abdomen, ce qui constitue une adaptation évidente au mode de vie très particulier de cette espèce (voir infra). Les pattes sont puissantes, permettant des déplacements très rapides. Les doigts possèdent deux rangées de lamelles subdigitales (26 paires de lamelles sur le doigt le plus long) permettant la marche ou la course sur des supports très lisses tels que le verre. Ils sont au nombre de cinq tant au niveau des pattes antérieures que postérieures. La peau est lisse, veloutée au toucher, recouverte de minuscules écailles uniformes. Elle est d’aspect fragile, semi-transparente, mais cependant résistante aux abrasions dans le milieu rocheux. L’aspect plissé est naturel et ne doit pas faire penser à une déshydratation de l’animal (cf. la peau des flancs des Uromastyx) .Les yeux sont ronds et relativement grands (ø ± 5mm), typiques des espèces nocturnes et crépusculaires et cerclées d’écailles périoculaires très fines et uniformes, d’une largeur inférieure à 0,4 mm chez les adultes, entourant entièrement l’iris. Ce dernier est gris ardoise avec quelques marbrures plus sombres, et la pupille photosensible est verticale. La zone supraoculaire est gris-bleutée à bleu lagon. Le museau est fortement arrondi et les narines espacées de ± 4mm légèrement surélevées. Les sacs endolymphatiques des femelles sont parfois spectaculairement grands, pendant le long du cou. Il s’agit là d’un trait normal de l’espèce et d’un signe de bonne santé, ce sont des réserves de calcium métabolique utilisées plus particulièrement pour les pontes. La coloration ventrale est uniformément blanche. La coloration dorsale et latérale des adultes et des juvéniles est similaire et varie en fonction de l’intensité de la chaleur et de l’éclairage. Le fond est beige-rosé tirant parfois sur du rosé plus franc, de minuscules points beige clair parsèment le dos et chaque spécimen a un nombre et une disposition différente de ces points. Un motif marbré aux contours flous et discontinu, gris-bleuté à brun roussâtre orne le dos mais ne déborde ni sur la queue, de couleur uniforme et plus claire que le corps -crème avec certains anneaux beige clair- ni sur les pattes. Des taches jaune vif aux contours irréguliers se détachent nettement sur cet ensemble et la coloration constitue un parfait camouflage au sein de roches plus ou moins envahies de lichens.

Mœurs et écologie 

L’espèce n’est pas franchement nocturne, il arrive en particulier le matin que les geckos sortent pour se réchauffer (obs. pers.), il leur arrive fréquemment de chasser avant la tombée de la nuit. Facilement effarouchés, ils se cachent à la moindre alerte, ce ne sont donc pas des geckos idéaux pour qui souhaite observer fréquemment en captivité ses animaux. A la manipulation, ils présentent un comportement surprenant : rapides quand on tente de les saisir, une fois sur la paume ou le dos de la main, ils ne cherchent pas à fuir et restent immobiles (obs. pers.). La plupart du temps, ils vivent cachés dans des failles rocheuses étroites, à l’abri des nombreux prédateurs potentiels. Ils peuvent occuper des crevasses profondes au sein de blocs ou de formations rocheuses en milieu naturel (jusqu’à 1,50m/ 5 pieds de profondeur). Les sites où ils déposent leurs excréments et urates (en général à terre, obs. pers.) sont localisés de façon communautaire afin de ne pas offrir aux prédateurs d’indications précises sur leur position. Ils occupent des niches écologiques chaudes et sèches, avec les variations saisonnières typiques de l’Afrique australe (hivers doux, étés très chauds, pluies violentes en saison mais atmosphère globalement sèche à très sèche en temps normal). Ils se plaquent contre les pierres chaudes en journée afin d’effectuer leur thermorégulation. Dans leur microhabitat, les températures peuvent s’élever très rapidement en cours de journée (jusqu’à 40-45°C, davantage sur la pierre chaude exposée au soleil), d’où l’intérêt d’effectuer des retraites une fois leur température corporelle idéale dans des failles et creux ombragés.

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Fig.2b : portrait d’une femelle, montrant l’importance des sacs endolymphatiques. (H. Saint Dizier) 

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Fig.2c : vue de dessus d’une femelle adulte saine et de ses sacs endolymphatiques hypertrophiés.

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Fig. 3 : milieu naturel près de Tete, Mozambique, Chirobue rock, au fond le type de formation rocheuse où vit Afroedura loveridgei. (Source : Wikipedia commons, libre de droits)

Ils sont strictement insectivores et consomment en milieu naturel des proies de taille relativement modestes par rapport à leur propre taille, telles que de petits coléoptères, termites, orthoptères, larves…leur bouche ne leur permet en effet pas l’ingestion de grosses proies (Broadley, 1964). La longévité n’a pas été étudiée, cependant un chiffre de l’ordre d’une douzaine d’années voire davantage dans des conditions optimales semble réaliste par rapport à d’autres espèces mieux connues.

Dimorphisme et maturité sexuelle

La maturité sexuelle proprement dite intervient dans des conditions normales autour de l’âge d’un an, cependant les pontes fertiles ne démarrent qu’au bout de la deuxième année (obs. pers.). Il n’y a pas de dimorphisme sexuel marqué, les pores sont absents chez les deux sexes, les renflements hémipéniens des mâles sont assez marqués mais non proéminents, afin certainement d’éviter abrasions et blessures dans leur milieu rocheux. Il est quasiment impossible de déterminer le sexe des juvéniles avant au moins l’âge de neuf mois.

Maintien en captivité

Les femelles se tolèrent très bien entre elles, évidemment toute cohabitation entre mâles est à proscrire. Un terrarium vertical en verre de 40x40x60 cm (16’’x16’’x24’’) convient parfaitement pour un petit groupe d’un mâle pour une à trois femelles. Il est essentiel que celui-ci soit bien ventilé et à l’épreuve des évasions. J’utilise pour ma part un terrarium dit « à guillotine » et non à portes coulissantes pour minimiser les risques d’évasion. Ces geckos peuvent en effet paraître indolents et soudainement fuir avec une grande vélocité. La nature du sol a peu d’importance, ces geckos n’y descendent quasiment jamais ; j’utilise pour ma part du sable pour bacs à sables d’enfants, sur 2-3 cm d’épaisseur (1’’). Ce substrat est changé intégralement tous les six mois.

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Figure 4 : terrarium en cours d’installation, sans lampe.

Les geckos seront moins stressé dans un environnement opaque sur les trois faces verticales du terrarium, sauf bien évidemment la face avant. Pour ce faire, et afin de respecter au mieux leurs conditions de vie naturelles, j’ai posé sur les trois faces verticales des « pierres de parement » vendues comme décorations murales d’intérieur ou de cheminée, d’environ 1 cm (1/2’’) d’épaisseur, solidement fixées avec du silicone d’aquarium (temps de séchage dans une pièce bien ventilée : une semaine, les émanations du silicone non sec sont hautement toxiques pour les reptiles). Sur la fig.4 on voit le décor en construction, les pierres de parement vont jusqu’en haut des parois. Le dessus du terrarium est couvert à l’extérieur par une matière plastique opaque, mis à part l’emplacement réservé à la ventilation. Un récipient d’eau au sol ne sera pas utilisé par les geckos, à la place de cela, j’utilise une gamelle d’angle peu profonde fixée dans un des coins par des points de silicone et située à mi-hauteur du terrarium, près du fond. Un tapis chauffant de 16 watts est placé à l’extérieur, contre la vitre du fond en position verticale et est relié à un thermostat. Une lampe halogène (type spot ExoTerra®) sert de chauffage principal (chaleur solaire radiante simulée) et d’éclairage diurne. La puissance est adaptée en fonction des saisons, et cette lampe est couplée avec un tube fluorescent à 5% d’UVB Zoomed® de 14 watts. La lampe principale est coupée en Décembre et Janvier, seul le tapis chauffant et le tube UVB restent en fonction ; de Février à mi-Avril et en Octobre, la puissance utilisée est de 40 watts, à la belle saison (Mi-Avril à Mi-Septembre) j’utilise un spot halogène de 60 watts ; il est à noter que ces spots diffusent également des UVA. Bien qu’étant (infra) théoriquement nocturnes, l’exposition aux UVA et UVB s’est avérée bénéfique et m’a été conseillée fortement (Jon Boone, comm. pers.). En cas de grosse chaleur l’été, je repasse à une puissance de 40 watts pour la lampe principale.

Des plantes artificielles peuvent être utilisées pour la décoration, comme sur la fig.4. J’avais initialement placé quelques branches, qui ne sont jamais utilisées par les geckos. Le point essentiel est de disposer des pierres et des ardoises ou tuiles avec des interstices entre elles. Les pierres sont fixées au sol grâce à la même colle silicone pour éviter tout risque d’éboulement. J’utilise de la pierre locale (« calcaire de Caen » du Jurassique au coloris typique blond-beige, souvent incrusté de fossiles et facile à trouver dans ma région) ainsi que des ardoises grises non coupantes (bords émoussés avec de la « toile émeri » ou papier de verre grossier) placées verticalement et des morceaux de tuiles. Les interstices doivent permettre aux geckos de glisser l’épaisseur de leur corps et ne doivent pas présenter d’intervalle trop grand entre elles. Dans le cas contraire, les geckos manqueront d’abris, absolument essentiels à leur bien-être. On le voit, inutile de créer un aménagement compliqué, j’ai par contre essayé de jouer sur les différents coloris des geckos pour trouver un mélange approprié recréant leur environnement minéral.

 

 

 

 

Décembre-Janvier

 

Février-15 Avril

 

15 Avril-15 Septembre

 

 

15 Septembre-

1er Décembre

 

Température diurne moyenne [point le plus chaud]

 

 

20-23°C

[27°C]

 

26-30°C

[32-35°C]

 

30-33°C

[40-42°C]

 

26-30°C

[32-35°C]

 

Température nocturne

 

 

15-19°C

 

20-22°C

 

20-24°C

 

20-22°C

 

Fréquence des pulvérisations d’eau*

 

 

aucune

 

Abondantes

Une fois tous les 2 jours

 

Modérées,

2 fois/semaine

 

Abondantes

Une fois tous les 2 jours

 

Fig. 5 : températures et humidification en captivité en fonction des saisons.

* : effectuées à l’aide d’un pulvérisateur manuel pour les plantes d’intérieur avec de l’eau à 25°C environ.

 

 

 

 

 

Décembre-Janvier

 

Février-15 Avril

 

15 Avril-15 Septembre

 

15 Septembre-

1er Décembre

 

Durée d’éclairage

artificiel et de chauffage diurne*

 

 

10 heures

 

10h =>12h

 

14h

 

12h=>10h

 

Intensité lumineuse et % d’UVA et d’UVB à 20 cm des lampes dans le spectre lumineux (mesurés via UVmètre professionnel Zoomed® et luxmètre)

 

 

≤ 300-400 lux

 

15,7 %UVA

 

 

 

3,9% UVB

 

8000-10000 lux

 

18,9% UVA

 

 

 

4,4% UVB

 

≥ 15000-18000 lux

21,3% UVA

 

 

 

4,6%UVB

 

8000-10000 lux

 

19,3 % UVA

 

 

 

4,6%UVB

 

* : réglé automatiquement à l’aide d’une prise électrique à programmateur (« timer ») intégré.

Fig.6 : illumination du terrarium et cycle saisonnier

Note importante : les changements de température et d’illumination ne sont pas effectués « brutalement » mais en croissant ou décroissant progressivement les valeurs données en Fig. 5 et 6 par tranches de deux semaines.

Nutrition

Ces geckos doivent être nourris le soir, un peu avant l’extinction des feux. La nourriture est composée de grillons domestiques (Acheta domestica) subadultes (1-1,5 cm de long/ ½’’) et parfois de jeunes criquets migrateurs (Schistocerca gregaria ou Locusta migratoria selon les arrivages) de même taille (stades 2 et 3 de leur développement), ou de jeunes blattes B. lateralis (« red runners »), ou encore de « poissons d’argent » (Lepisma sp.) très faciles à élever et à reproduire.

Les proies doivent être correctement « gavées » (« gutloading ») 24 heures au moins à l’avance avec des sources de protéines (croquettes pour chiens en petites quantités pour les grillons et les blattes, son de blé pour tous, pain sec pour les blattes), de la verdure (diverses salades sauf la laitue [toxique], feuilles de chou vert, feuilles et fleurs de pissenlit en saison, tous ces végétaux présentant un rapport phosphocalcique ≥ à 2 comme il se doit pour les reptiles), carottes pelées (source de vitamine A), pommes pelées (apport de pectine), courgettes pelées et coupées en dés, quartiers d’orange (vitamine C). Il faut éviter toute nourriture toxique pour les reptiles : pommes de terre et leurs feuilles, laitue, tomates…selon le principe de la concentration des toxines le long de la chaîne alimentaire. Ainsi, les proies contiennent un maximum de nutriments variés et complets. Les insectes sont saupoudrés à chaque repas de Miner-All I® (Sticky Tongue Farm®) (sans phosphore, avec vitamine D3 à 4400 UI/kg et toute une variété de minéraux) et une fois par mois, de Nekton Rep®, produit commercialisé en Allemagne, c’est un complexe polyvitaminé parfaitement adapté aux geckonidés. Je déconseillerai ici l’emploi de vers de farine, de « superworms » et de blattes B. dubia ou Gromphadorrhina portentosa, proies trop chitineuses et mal digérées, et de teignes de ruche (Galleria mellonella), beaucoup trop grasses pour ces geckos déjà sujets à l’embonpoint. Je nourris modérément en hiver à raison d’un repas réduit par semaine (3-4 proies /gecko) , dans les périodes de transition le rythme passe à deux fois par semaine avec 6 proies/gecko, et en été deux fois par semaine également mais jusqu’à 10 proies/gecko. Les proies non consommées sont impérativement à enlever du terrarium le lendemain et à ne pas distribuer dans d’autres terrariums pour prévenir d’éventuelles contaminations. En été, les petits papillons de nuit attirés par la lumière et les chrysopes constituent une friandise appréciée.

NE JAMAIS DONNER DE PROIE DE TROP GRANDE TAILLE qui serait susceptible d’attaquer et de blesser les geckos, en particulier les grillons adultes. La peau de A. loveridgei est en effet facilement la cible des mandibules puissantes des grillons bimaculatus ou des domestica adultes. Il ne faut pas non plus hésiter à réduire les quantités de nourriture en cas d’embonpoint manifeste des spécimens captifs. En effet, en milieu naturel ils sont tributaires des éclosions et des cycles reproducteurs des insectes, donc « se gavent » sur de courtes périodes de nombreuses proies puis peuvent passer ensuite plusieurs semaines sans s’alimenter beaucoup ; de courtes périodes de jeûne, de l’ordre de quelques semaines, sont bénéfiques pour la bonne santé de ces geckos.

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Fig.7 : Afroedura major, mâle sauvage (on distingue des acariens rouges sur la patte postérieure visible, au niveau des tarses), espèce voisine d’A. loveridgei. Photo Jon Boone© (www.jonboone.com) illustrant l’aplatissement extrême du corps chez un sujet normal.

Santé, prévention

Il est peu probable à l’heure actuelle de trouver sur le marché des spécimens prélevés dans la nature. Jon Boone, l’éleveur mondialement connu, reproduit régulièrement cette espèce et propose des spécimens F2 à F4 (2 à 4 générations captives) parfaitement sains à partir de plusieurs groupes d’élevage, un minimum de brassage génétique est donc assuré. En cas de doute ou d’importation avérée depuis le Mozambique, il faut alors systématiquement effectuer 1- un examen minutieux du corps pour rechercher les ectoparasites, en particulier les acariens qui se logent souvent dans les plis de peau ou au niveau des articulations, et de procéder à DEUX contrôles des selles espacés dans le temps via un laboratoire vétérinaire : étant donné que la plupart des parasites internes suivent des cycles qui leur sont propres, un seul prélèvement négatif n’est pas la preuve d’une absence de parasites internes. Je déconseille tout traitement préventif « au jugé » sans preuve de parasitose. Ces traitements sont tous plus ou moins toxiques pour de si petits lézards. Deux prélèvements de selles fraîches, placés immédiatement dans des pots stériles, à trois semaines d’intervalle, constituent un protocole fiable pour s’assurer de l’absence de parasites internes, ou, le cas échéant, de leur présence et du type de parasite, ce qui permet d’appliquer des traitements mieux ciblés sous contrôle vétérinaire. En dehors de ces recommandations d’usage, A. loveridgei est un gecko robuste et ne présentant pas de problème particulier. La seule mésaventure en plus de trois années de détention de cette espèce que j’ai eu à déplorer est un cas de mauvaise mue sur une femelle, vite résolu par des bains tièdes. C’est pour cette raison qu’il ne faut pas négliger les pulvérisations indiquées Fig. 5.

Reproduction

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Fig. 8 : Juvéniles d’un jour.

 

La reproduction en captivité de cette espèce est réputée peu aisée, même si ces geckos ne posent pas de problème particulier de maintien (Jon Boone, comm. pers.). Nous sommes deux en Europe à l’avoir réussie, Alessio Paoletti (Italie) et moi-même, alors que nous n’utilisons pas du tout les mêmes cycles de températures et d’humidité. Il utilise pour sa part des conditions globalement plus sèches et descend les températures hivernales plus que je ne le fais (comm. pers.). Je suis le premier des deux à avoir eu des juvéniles de cette espèce, A. Paoletti a suivi de près. La phase de semi-repos hivernal n’est même pas obligatoire à la seule fin de reproduire l’espèce : lors de la première année, mon trio s’est reproduit sans cela. Les œufs au nombre de deux sont bien visibles à travers l’abdomen des femelles. A. Paoletti et moi-même avons eu un certain nombre de pontes infertiles. Les pontes sont espacées de 4 à 5 semaines et les deux œufs sont solidement collés sur des pierres, il est donc impossible de les incuber autrement qu’en terrarium. J’ai pu remarquer que les femelles affectionnaient particulièrement les coins du terrarium comme site de ponte, rendant encore plus difficile une éventuelle tentative pour décoller les œufs sans les briser. Ils mesurent ±11mm dans leur plus grande dimension et sont légèrement oblongs. J’ai observé un maximum de quatre pontes dans l’année, depuis la fin de l’été jusqu’à début Décembre, sur trois années complètes.

-J’ai protégé les œufs grâce à une gaze (compresses tissées à usage médical) craignant que les adultes ne les dévorent à l’éclosion. J’ai retrouvé les juvéniles, d’une longueur totale variant entre 26 et 29mm et à la queue proportionnellement plus courte que celle des adultes, avec l’extrémité tronquée (bien visible en fig.8), sous cette enveloppe protectrice.

-la température d’incubation variait entre 20 et 34-35°C là où les œufs étaient collés, relativement proches du spot chauffant principal. Il est donc impossible en l’état de tirer des conclusions sur une éventuelle TSD (détermination du sexe par la température d’incubation) ni de fixer des valeurs précises pour celle-ci.

♦ J’ai évité soigneusement de pulvériser de l’eau en direction des œufs, afin de ne pas risquer de noyer les embryons dans l’œuf .Par contre, quand il y a des pontes dans le terrarium, je pulvérise plus généreusement tout en gardant le rythme indiqué fig.5 .

♦ Il m’est arrivé de retrouver des pontes au sol, certainement mal « collées » par les geckos ou tout simplement infertiles. Les œufs fertiles ont éclos entre 76 et 96 jours après la ponte.

♦ Le ratio mâle :femelles des juvéniles que j’ai obtenus ne m’est que partiellement connu : sur 6 spécimens pour lesquels j’ai eu des données après cession (pour plus d’une douzaine éclos, dont un juvénile mort au bout de quelques jours), deux étaient des mâles et 4 se sont avérés être de sexe femelle.

L’alimentation des jeunes se fait d’abord avec des micro-grillons (stade 1 de ces insectes), ou éventuellement des drosophiles (souches incapables de voler). Ils sont maintenus par deux ou trois dans des terrariums de 15x15x20 cm (6’’) aménagés comme ceux des adultes avec les mêmes conditions de température et d’humidification, mis à part le fait que je ne leur fais pas subir la période fraîche et sèche en Décembre-Janvier, surtout s’ils naissent près de ces dates. Il faut nourrir fréquemment, une fois tous les deux jours au début, 48h après leur première mue suivant la sortie de l’œuf. On augmente ensuite naturellement la taille des proies et on espace les repas. Les pulvérisations d’eau sont essentielles à leur survie, au même rythme que pour les adultes.

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Fig. 9 : couple, le mâle est celui qui n’a pas de sacs endolymphatiques marqués.

Conclusion

Afroedura loveridgei reste une espèce « confidentielle » tant en Amérique du Nord qu’en Europe. Faciles à maintenir, leur reproduction est cependant peu aisée. C’est l’une des nombreuses espèces méconnues parmi les geckonidés qui mérite l’attention des éleveurs bénéficiant d’un minimum d’expérience avec d’autres espèces collant leurs œufs sur des supports durs. C’est aussi un gecko dont la situation en milieu naturel peut très vite devenir préoccupante, raison supplémentaire pour faire l’effort de travailler avec ce type d’espèces. Leur coloration les rend particulièrement attractifs même si leur morphologie globale peut dérouter. Discrets et farouches, ils ne font pas partie des geckos capables de vocaliser de façon claire et perceptible selon ma propre expérience. Ils n’en demeurent pas moins abordables sur le plan financier, certainement à cause du peu de connaissances circulant actuellement sur l’espèce et du manque d’acquéreurs potentiels. Cela ne doit cependant décourager personne : c’est en diffusant un maximum d’information sur cette espèce qu’on éveillera l’intérêt de davantage d’amateurs de geckos.

Remerciements

Je tiens à remercier Jon Boone, Johan Marais, Alessio Paoletti tout particulièrement pour le travail tant sur le terrain qu’en captivité de cette espèce, ainsi que Sophie Royer et Johanne Ouellette.

References

‘Checklist’ de Répteis de Moçambique – Checklist of Reptiles of Mozambique

Alexander G. and Marais J. 2007, A guide to the reptiles of Southern Africa, Struik Publ., Cape Town, 410 pp.

Auerbach,R.D. 1987. The Amphibians and Reptiles of Botswana. Mokwepa Consultants, Botswana, 295 pp.

Bauer A M. Good D A. Branch W R. 1997. The taxonomy of the Southern African leaf-toed geckos (Squamata: Gekkonidae), with a review of Old World “Phyllodactylus” and the description of five new genera. Proc. Cal. Acad. Sci. 49 (14): 447-497.

Boelens, Watkins & Grayson, 2009 : The Eponym Dictionary of Reptiles. Johns Hopkins University Press, p. 1-296

Branch, W. R. 1998. Field Guide to the Snakes and Other Reptiles of Southern Africa. Fully Revised and Updated to Include 83 New Species. Ralph Curtis Books (Sanibel Island, Florida), 399 S.

Broadley, D. G. 1963. Three new lizards from South Nyasaland and Tete. Ann. Mag. nat. Hist. (12) 6:285—288.

Broadley, D.G. 1964. A Note on the Domestication of Afroedura transvaalica Jour. Herp. Ass. Rhodesia (22): 16-17

Broadley,D.G. 1962. On some reptile collections from the North-Western and North-Eastern Districts of Southern Rhodesia 1958-1961, with descriptions of four new lizards. Occ. Pap. Nat. Mus. South. Rhodesia 26 (B): 787-843

FitzSimons, V. F. 1930. Descriptions of new South African Reptilia and Batrachia, with distribution records of allied species in the Transvaal Museum collection. Ann. Transvaal Mus. 14: 20-48.

Hewitt,J. 1925. On some new species of Reptiles and Amphibians from South Africa. Rec. Albany Mus. (Grahamstown) 3: 343-370

Rösler, Herbert 1995. Geckos der Welt – Alle Gattungen. Urania, Leipzig, 256 pp.

[N° taxonomique international d’Afroedura loveridgei/ Taxonomic number 818004]

 

 

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Written by Herve Saint Dizier

Hervé Saint Dizier was born in 1971 and has kept and bred many gecko species since 1998. Some of his articles were already published by the French Reptile Hobbyists association and by the Global Gecko Association, he was also the chief Editor of the latter for more than 3 years. He runs his own reptile forum in France which is the second one by order of importance in this country. He has particularly worked with the Uroplatus genus as well as with many African and Middle East gecko species. His private breeder's name is Thorr Geckos.

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